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  • L’équipement
 

Les commissariats traitent tellement d’affaires dramatiques que l’on pourrait croire qu’ils sont des lieux lugubres, sans joie. il n’en est rien. Un événement, même fâcheux peut provoquer une réaction comique inattendue et incontrôlée. Alors, rigoler un bon coup vaut mieux qu’en pleurer.

Après la Libération, l’équipement de la police parisienne n’avait rien à voir avec celui de la fin du vingtième siècle. Les commissariats de banlieue (il y en avait vingt-cinq), ne disposaient d’aucun véhicule motorisé. il n’y avait que des agents cyclistes (et des piétons), de telle sorte qu’en cas d’accident de la circulation un problème se posait dès lors qu’un transport de blessé était nécessaire. Les consignes à l’usage des gardiens de la paix étaient pourtant simples :

« Le blessé doit être chargé dans un taxi et transporté à l’hôpital de la circonscription hospitalière. s’il paye le transport, lui donner satisfaction ! »
« oui, d’accord, mais s’il ne parle pas, ne peut ou ne veut pas payer… ou si le chauffeur du taxi refuse ou si… etc., etc. – Tais-toi, p’tit con, tu cherches encore des complications ! »

C’était la réponse formulée parfois sans besoin de parole, un regard furibond ou embarrassé suffisait.

Peu à peu, les choses s’améliorèrent.

L’année 45 ou 46 vit apparaître les premiers car police-secours. sans radio évidemment, équipés sobrement. Très sobrement. C’était des “breaks” renault découverts, avec tout de même une capote. Pratiques l’été, la ventilation étant assurée… mais l’hiver ? Avec ça, pas de brancard, les banquettes étant en bois… bonjour le confort. Du reste, les transports en commun, métro et bus, n’étaient pas mieux lotis.

C’était quand même mieux pour transporter les blessés, par temps doux, évidemment.

Ne me parle pas de l’hiver, p’tit con ! »

Plus tard, il y eut des cars fermés et même équipés de radio, le progrès s’installait.
Les banlieues furent les premières servies. en effet, Paris disposait d’un réseau
d’avertisseurs placés aux carrefours les plus importants de la ville. ils étaient reliés aux commissariats d’arrondissement et à l’etat-Major et accessibles à tous les passants, membres ou non de la Préfecture. La capitale devait donc attendre encore un peu pour s’équiper en radio.
Mais alors, problème… comment ça marche ?
Bien sûr, tout avait été mis en service en grande pompe et si rapidement que
l’on avait oublié d’en informer les principaux intéressés et de prévoir leur formation au nouveau matériel. Pour tout arranger, les technocrates de l’époque avaient imaginé un “code secret” d’utilisation. Code qui resta si longtemps en service qu’à peu près tout le monde, notamment la presse et les professionnels de radio, le connurent avant la totalité du personnel utilisateur.
Ç’aurait été si simple de l’utiliser comme un vulgaire combiné téléphonique, comme aujourd’hui quoi !
« Tais-toi, p’tit con, je sens que tu vas encore critiquer. »

La formation du personnel ? il paraît qu’elle aurait encore, en 2005, quelques
lacunes. J’ignore ce que l’on apprend aux jeunes gardiens en matière d’utilisation des armes par exemple, et de leur manipulation. Je me souviens encore de ma première arme, un pistolet automatique de fabrication belge : le “rubis”. il pesait bien un kilo et avait une sécurité très relative. Le cran de sûreté ne bloquait que la détente, mais pas le percuteur ! L’inconvénient était de taille. si, par mégarde, l’arme tombait à terre sur un sol dur, côté percuteur, le choc déclenchait le ressort de percussion et le coup partait neuf fois sur dix. on peut alors imaginer les dégâts possibles. Le personnel, c’est vrai, en était informé, mais il faut croire que les cours d’instruction étaient insuffisants, vu le nombre d’accidents à déplorer tant que cette arme fit partie de l’équipement.

Il a fallu d’ailleurs attendre les années cinquante pour que l’Administration organise des séances de tir au stand d’entraînement de Brie-sur-Marne.

La période troublée d’après-guerre engendrait parfois des attentats contre les bâtiments publics. evidemment, les commissariats étaient à la fête. Pour répondre à ces agressions les plantons avaient été armés de fusils anglais provenant des surplus alliés laissés en France à la fin des hostilités. Ces fusils furent modifiés en “tromblons lance-grenades” au cours des émeutes de “mai 68”.
Jeune recrue n’ayant pas fait de service militaire (l’armée française en totalité
était prisonnière en Allemagne), j’ai assuré ces services de garde. Vous savez ce qu’un gradé m’a répondu lorsque je lui ai demandé comment fonctionnait mon fusil ?…
« T’occupe pas de ça, p’tit con, moins on s’en sert, mieux ça vaut. »
C’était de bon conseil et d’une logique implacable, mais j’ai toujours cru qu’il n’en savait pas plus que moi.

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